Liberté aux prisonniers mapuches du Chili
Les prisonniers politiques inconnus du Chili
par Antoine Casgrain, Maria Rodriguez - Santiago, Chili 11 août 2010 Amérique Latine
Depuis un mois au Chili [plus de 50 jours le 15 septembre 2010], 31 prisonniers politiques d'origine mapuche font une grève de la faim derrière les barreaux. Une journée internationale d'appui a été désignée ce mercredi 11 août pour faire entendre leur cause. Alors que les dissidents cubains ont l'attention de la presse internationale, il y a un silence sidéral concernant les prisonniers politiques mapuches.
Plus de quatre semaines de grève de la faim pourraient avoir des conséquences fatales à tout moment. Toutefois, faute d'avoir le même soutien international que les opposants cubains, les militants mapuches sombreront certainement dans l'oubli.
Il existe en ce moment 58 personnes, mapuches ou sympathisants de leur lutte, accusées de terrorisme par la justice chilienne. De celles-ci, 5 sont condamnées, 42 sont en prison préventive et les autres, en liberté sous caution. Elles sont considérées prisonniers politiques par plusieurs organisations internationales. La trentaine de grévistes de la faim sont dans l'attente de procès injustes; injustes, car la loi antiterroriste permet les témoignages anonymes, la culpabilité par association et la dissimulation de la preuve.
Depuis leur cellule, les prisonniers demandent la dérogation de la loi antiterroriste au Chili, la liberté pour les autochtones accusés sous cette loi, la fin des brutales opérations policières dans leurs communautés et l'autonomie de leur peuple sur les territoires qu'il occupe. L'État refuse obstinément de négocier avec les grévistes de la faim et maintient la ligne dure contre le mouvement.
Les plus pauvres
Habitant le sud du Chili et de l'Argentine, le peuple mapuche est uni par une langue, une cosmologie et une riche culture de rites et de traditions. Peuple de guerriers, les Mapuches ont été les seuls à résister autant aux Incas qu'aux Espagnols.
Après l'indépendance et la création de la République du Chili, dont on fête les 200 ans cette année, les terres des autochtones ont été progressivement confisquées à la faveur de colons européens. Aujourd'hui, les statistiques font apparaître les mapuches au premier échelon de l'extrême pauvreté au Chili. Les divers programmes d'intervention n'ont que peu d'effet sur la situation économique des communautés.
À la pauvreté s'ajoutent l'occupation policière et les atteintes aux droits de la personne. Le sud du Chili est le théâtre d'affrontements incessants entre la police militarisée et les communautés mapuches résistant aux compagnies forestières, minières et hydroélectriques qui saccagent les ressources de leur territoire ancestral.
En réponse aux occupations de terres et aux barrages routiers, l'État chilien a décidé de traduire en justice les militants autochtones sous la loi antiterroriste. Cette loi, établie sous la dictature de Pinochet, a seulement été appliquée contre le peuple mapuche après le retour à la démocratie.
Racisme institutionnel
L'application de loi antiterroriste dénote d'un racisme institutionnel. En ce moment, elle n'est appliquée qu'à l'encontre d'accusés d'origine mapuche ou sympathisant à leur cause. L'État prétend que la violence et les dommages à la propriété causés par les radicaux obligent la justice à appliquer la rigueur de la loi. Pourtant, aucun décès n'a été causé par les actions des mapuches. À l'inverse, sept mapuches ont été tués par la police chilienne depuis 2002. La situation a été dénoncée par Human Rights Watch et le Conseil des droits de l'Homme de l'ONU.
Michelle Bachelet, emprisonnée et torturée sous la dictature, avait promis que la loi antiterroriste ne serait pas appliquée sous son gouvernement. En 2009, alors que l'ex-présidente, reconnue dans le monde entier pour son progressisme, engageait son pays à respecter la convention 169 de l'Organisation internationale du travail sur les droits des autochtones, 30 mapuches ont été envoyés en prison pour «terrorisme». Elle passe aujourd'hui le flambeau de la répression à un président de droite qui a promis de durcir la politique sécuritaire.
À l'occasion du bicentenaire du Chili, l'Église et le président Sebastián Piñera ont proposé une grâce présidentielle pour les prisonniers de droit commun. Étonnamment, il n'a jamais été question de clémence pour les prisonniers mapuches, descendants des premiers habitants du pays.
Les 200 ans du Chili devraient être l'occasion d'envisager de nouvelles relations avec les nations autochtones, en commençant par leur reconnaître le statut de peuple, non de terroristes.